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L'Optique non linéaire. Les Solitons
PHYSIQUE DES ONDES
ESSAI D'UNE NOUVELLE PHYSIQUE
RUBRIQUE N° 29 L' OPTIQUE NON LINÉAIRE. LES SOLITONS
Par Paul Bouchard Le 05/04/2020
1) INTRODUCTION
Cette nouvelle rubrique est la suite de la précédente rubrique N°28 qui traitait de la propagation des rayonnements lumineux dans les fibres optiques. Il est donc indispensable d'en prendre connaissance avant de lire ce nouveau texte. La lecture, sinon l'acceptation, des hypothèses de base de la ''physique des ondes'' est également nécessaire autrement le suivi n'aurait aucun sens. On trouvera un bref résumé de cette base dans l'introduction de la précédente rubrique. L'exposé complet se trouve dans les 6 premiers chapitres et 4 post-scriptum de ce blog ''paulpb eklablog.fr''.
Dans le dernier chapitre de la précédente rubrique nous indiquions que le développement des lasers de grande puissance a entraîné l'apparition de phénomènes physiques dont les effets sont répertoriés sous le nom scientifique ''d'optique non linéaire''. La puissance de ces lasers provient, en première approche, d'une part de la génération d'impulsions ultra-brèves de l'ordre de quelques femtosecondes à quelques centaines de femtosecondes (ordre de grandeur de la période d'une onde du visible), d'autre part d'une technique d’amplification ''à dérive de fréquences'' (CPA = Chirped Pulse Amplification ).
Avant d'aborder les phénomènes qui relèvent de l'optique non linéaire et de ceux qui concernent les ondes répertoriées sous le nom de ''solitons'' dont les particularités nous intéressent spécialement, il convient de circonscrire le domaine de l'étude et de fournir la définition des termes employés. C'est l'objet des deux prochains chapitres
2) LES SYSTÈMES NON LINÉAIRES
Nous avons, dans la précédente rubrique, étudié l'interaction lumière-matière en mettant en évidence les notions de longueur d'onde de la lumière incidente, de structure du matériau transparent et de fonctionnement des électrons dans leurs atomes. Ces éléments réunis sont supposés soumis à des configurations et à des conditions dites rationnelles. Ce sont celles dont les bases sont définies expérimentalement, celles que l'on peut étudier et chiffrer en utilisant les procédures et les outils habituels, celles dont les résultats restent en cohérence avec les prémisses, car on travaille dans un système dit ''linéaire''.
Le terme de ''linéaire'' relève essentiellement des mathématiques. Essayons ci-dessous de lui donner un sens plus physique en s'aidant de Wikipedia.
<< On dit qu'un système de type entrée-sortie (excitation-réponse) est linéaire ou relève du principe de superposition si :
*à la somme de deux entrées quelconques correspond la somme des deux sorties correspondantes,
*à un multiple d'une entrée quelconque correspond le même multiple de la sortie correspondante.
La non-linéarité est la particularité, en mathématiques, de systèmes dont le comportement n'est pas linéaire, c'est-à-dire soit ne satisfaisant pas le principe de superposition, soit dont la sortie n'est pas proportionnelle à l'entrée. >>
Wikipedia nous aide à comprendre la signification du principe de superposition qui permet l'usage d'une démarche de type analyse et synthèse :
* analyse : on découpe un problème en sous-problèmes et on étudie chaque sous-problème.
* synthèse : le problème complexe est la somme des sous-problèmes.
<< En fait, les systèmes concrets possédant cette propriété sont rarissimes, pour ne pas dire inexistants. Certains systèmes non linéaires peuvent être même chaotiques, comme par exemple la circulation atmosphérique. Cependant bon nombre de systèmes peuvent être raisonnablement linéarisés, car pour eux l'effet est pratiquement proportionnel à la cause qui lui a donné naissance. On peut les considérer, en première approximation, comme linéaires :
* soit en ignorant les petites non-linéarités par l'hypothèse des petites variations, (voir systèmes oscillants à un degré de liberté), et de manière générale grâce à la notion mathématique d'approximation linéaire.
* soit en procédant à une linéarisation optimisée dans le cas contraire.
Connaissant la réponse d'un système à des sollicitations simples il est généralement possible de déterminer par additivité et proportionnalité la bonne réponse à des sollicitations plus complexes.
En pratique, bon nombre de théories relevant de la physique et de la mécanique sont construites en considérant les systèmes comme linéaires. Les systèmes non linéaires sont étudiés par un grand nombre de chercheurs, mais la difficulté de leur étude fait qu'ils sont plus difficilement accessibles à un public plus large (ingénieurs, techniciens...) >>
3) DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DE L'OPTIQUE
Nous faisons partie de ce public, mais nous allons cependant tenter d'affronter ces difficultés.
Nous pensons en effet que la physique des ondes est mieux adaptée que la standard pour l'étude de ces phénomènes ''non linéaires''. Il nous faut tout d'abord préciser de quelle optique nous parlons.
En effet, les physiciens qui ne s’intéressaient que de très loin à l'optique des ondes et à l'optique géométrique, ont été amenés à la suite du progrès des lasers, des fibres optiques et des nanomatériaux, à étudier une nouvelle optique que l'on peut qualifier de quantique. D'autre part, les techniciens ont développé l'utilisation des lasers pour des réalisations techniques demandant de très fortes puissances. Les physiciens ont donc été amené à franchir le domaine du non linéaire.
Les interactions lumière-matière ont alors mis en évidence de nouveaux phénomènes dont l'explication par la physique standard des particules se révèle difficile. En effet dans leurs études théoriques, les physiciens étudient généralement tous ces nouveaux problèmes comme ils le faisaient précédemment, c'est-à-dire comme s'il s'agissait de mécanique (pression, densité, vitesse...), ou même d'hydraulique (pompage, niveaux, puits...). La physique des ondes, pour laquelle l'électron est réellement une onde parle, elle, d'optique quantique ondulatoire. C'est un domaine que les physiciens abordent difficilement sous ces trois mots.
Rassemblons ci-dessous des textes de Wikipedia expliquant ce qui relève de l'optique physique, de l'optique ondulatoire et de l'optique quantique.
* L'optique physique est la discipline qui étudie la lumière en la considérant :
--soit dans le cadre de l'optique géométrique ( modèle du rayon lumineux), en oubliant la nature ondulatoire de la lumière.
--soit comme étant une onde électromagnétique. À haute fréquence, l'optique physique fait une approximation qui ignore les effets ondulatoires. Elle est couramment utilisée en optique, en physique appliquée ou en ingénierie électrique. Cette approximation consiste à utiliser les rayons de l'optique géométrique pour estimer les champs sur une surface, puis à intégrer ces champs sur toute la surface éclairée pour déterminer les champs transmis et réfléchis.
* L'optique ondulatoire s'attache plus particulièrement aux phénomènes affectant les ondes, comme les interférences et la diffraction.
* L’optique quantique désigne l'ensemble des phénomènes dans lequel l'interaction entre la lumière et la matière est quantifiée. C'est un domaine de recherche en plein essor, à la frontière entre la mécanique quantique et l'optique.
En résumant et en simplifiant:
L'optique géométrique parle de rayons de lumière.
L'optique physique parle d'ondes électromagnétiques (de photons, de champs, d'électricité)
L'optique ondulatoire parle d'interférence, de diffraction, de réfraction. (voir la rubrique précédente)
L'optique quantique parle de mécanique quantique
La physique des ondes qui est quantique et ondulatoire parle uniquement d'onde, d'ondes de type lumière et d'ondes de matière, de leurs interférences, de leur propagation par mise en résonance.
4) L'OPTIQUE QUANTIQUE ONDULATOIRE
Dans la précédente rubrique N°28, nous avons constaté l'évolution de l'étude scientifique de l'optique depuis la lunette de Galilée jusqu'au laser femtoseconde. Nous avons montré que l'évolution la plus importante s'est produite grâce aux récents progrès accomplis dans l'étude de la propagation de la lumière dans la matière transparente. Ces avancées se sont concrétisées dans deux domaines principaux, celui des matériaux dont la structure modifie la conduction des ondes de type lumière et celui des lasers qui en augmentent le débit et la puissance.
Les travaux qui ont été conduits par ces merveilleux physiciens expérimentateurs de la fin du 19ème et début du 20ème siècle, concernant l'amélioration de la structure des verres optiques par dopage de composés chimiques ou organiques (voir le tableau du nombre d'Abbe), ont permis, entre autres utilisations, de créer des fibres optiques performantes. Avec des pertes en ligne réduites, on peut transporter des ondes lumineuses porteuses d'informations numériques sur de grandes distances
Ainsi, en jouant sur les indices de réfraction des couches successives de verres constituant la fibre, on arrive à bloquer la dispersion des ondes qui circulent dans les fibres, à concentrer les diverses longueurs d'ondes au cœur de la fibre en modulant leurs vitesses respectives, le but étant de réduire les pertes en ligne (voir la rubrique N°28).
Cette amélioration des performances optiques des verres due au dopage des matériaux transparents ne constitue qu'un des aspects de la révolution qui a transformé l'étude de l'optique, de classique en quantique et de linéaire en non linéaire. En effet, la modification structurelle de la matière transparente créée par ''dopage'' de nanoparticules d'origine semi-métalliques est aussi à l'origine de la création et de l'essor des lasers qui ont profondément modifié les potentialités de l'optique.
Wikipedia nous donne un aperçu des nouveaux domaines d'étude ainsi ouverts :
<< La photonique est la branche de la physique concernant l'étude et la fabrication de composants permettant la génération, la transmission, le traitement (modulation, amplification) ou la conversion de signaux optiques... Le domaine d'étude de la photonique couvre l'ensemble du spectre lumineux du Térahertz aux rayons X... L'opto-électronique est à la fois une branche de l'électronique et de la photonique. Elle concerne l'étude des composants électroniques, appelés aussi composants photoniques, qui émettent ou interagissent avec la lumière. Parmi eux, se trouvent les capteurs ou les diodes permettant la conversion de la lumière en charges électriques (ou inversement), ainsi que les systèmes permettant la gestion d'un signal optique dans les télécommunications par fibre optique ou encore les systèmes d'optique intégrée. >>
<< Les matériaux nanocomposites formés à partir de particules métalliques incluses dans une matrice diélectrique présentent des propriétés inusitées que l'on ne retrouve pas dans les matériaux massiques étant donné la taille nanométrique des particules métalliques. Notamment, la résonance des électrons de conduction du métal sous l'excitation d'une lumière incidente, appelée résonance plasmon de surface (spr), donne lieu à l'apparition d'une bande d'absorption dans le visible ayant une influence drastique sur les propriétés optiques du nanocomposite. La position, la largeur et l'amplitude de cette bande d'absorption sont des fonctions complexes des caractéristiques structurales du nanocomposite, notamment : la nature et la concentration du métal, la taille des nanoparticules, leur forme, l'indice de réfraction de la matrice, etc. >> https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00471600
Extrait du résumé de la thèse de Jean-Michel Lamarre. Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III
L'utilisation de nanoparticules dopant un matériau transparent (matrice), permet de réaliser en continu et à des niveaux élevés de fréquence , l'alimentation d'une diode laser de puissance. Si une excitation extérieure (électrique ou optique) à une fréquence du visible déterminée s'exerce sur les atomes de l'élément dopant, leurs électrons (qui sont pour nous des ondes, rappelons le) situés au niveau inférieur de la bande d'absorption correspondant à la fréquence déterminée, sont mis en résonance. Ceci leur permet d'absorber l'énergie extérieure et de franchir le gap (le fossé) entre les deux niveaux d'énergie. La désexcitation normale de ces électrons se produit en revenant au niveau inférieur. Ils émettent alors un rayonnement, toujours de la même fréquence qui double le rayonnement initial. Cela peut même se réaliser entre la couche de valence et celle de conduction sans permettre aux électrons ainsi libérés de s'échapper de leur atome, car le matériau de la matrice du diélectrique n'est pas conducteur. (Cela fera l'objet d'une future étude des ondes de plasma).
Nous avons vu que, pour une transmission des informations par fibre optique avec un minimum de perte et de gros débits d'information, on utilise des ondes monochromatiques de la fréquence des infra-rouges ( Les longueurs d’onde utilisées varient de 800 nm à 1600 nm). Cependant, pour la transmission de signaux sur de longues distances dans les câbles sous-marins, il est nécessaire de régénérer le signal tous les 100 Km environ. Cela se réalise de façon analogue au procédé que nous venons de décrire par ''pompage'' de rayonnements grâce à une diode laser appelée ''laser pompe'' couplée à une portion de la fibre dopée à l'erbium. C'est le rôle du ''répéteur'' que nous avons vu au chapitre N°544 de la précédente rubrique.
5) LE LASER FEMTOSECONDE
Les ondes infrarouges monochromatiques fournies par les lasers sont bien adaptées pour la transmission des signaux dans les fibres optiques, mais pour faire fonctionner un laser de grande puissance, il est nécessaire de travailler à partir d'impulsions ultra courtes. Or pour obtenir celles-ci on doit posséder une source de rayonnements de lumière visible composée d'un ensemble de fréquences dans le domaine du visible. Ces ondes énergétiques de longueur d'onde de 400 à 800 nanomètres comprennent également les rayonnements ultraviolets. Plus le nombre de composant spectral sera grand et leur fréquence élevé, plus les impulsions fournies seront brèves. C'est donc un ensemble de ces rayonnement qui constitue la source d'un laser femtoseconde. Cet ensemble de rayonnements est introduit dans la cavité amplificatrice du laser après un traitement particulier que nous exposerons ci-après (chapitre N°6).
<< Un laser femtoseconde est un type de laser particulier qui produit des impulsions ultra-courtes dont la durée est de l'ordre de quelques femtosecondes à quelques centaines de femtosecondes...
Une femtoseconde (fs)=1 millionième de milliardième de seconde (10 puissance moins 15 seconde) C'est l'ordre de grandeur de la période d'une onde lumière du visible. Ce type de laser est largement étudié et utilisé en recherche, dans l'industrie, et dans le domaine des applications biomédicales....Certain laboratoires arrivent même à la centaine d'attoseconde (10 p.-18 s.). Cela permet de découper sans chauffer des métaux ou des matériaux inflammables et d'effectuer des actes de chirurgie extrême, oculaires ou cérébrales par exemple. Les différentes techniques qui permettent cette concentration de lumière dans le temps, utilisent les diverses propriétés des ondes ( résonance, diffraction, réflexion, diffusion, absorption, effet Kerr, effet Dopler...) >> Wikipedia
L'amplification de rayonnements de différentes fréquences ne peut se faire dans la cavité du laser sans une préparation préalable du faisceau de la source. En effet nous avons vu que c'est une onde monochromatique infrarouge qui est normalement introduite et amplifiée dans la cavité des lasers. C'est donc normalement un faisceau de lumière cohérente qui est traité, amplifié et réémis par le laser. Ce n'est pas le cas si l'on introduit dans la cavité amplificatrice des ondes de lumière visible de différentes fréquences.
La rubrique précédente nous a montré que, en dehors du vide, les vitesses de propagation des ondes dans les matériaux diffèrent suivant leur fréquence. Pour la lumière dans les milieux transparents les rayonnements IR sont plus rapides que les UV. La rubrique N°9 décrit les conditions d'amplification dans une cavité laser. Le phénomène ''d'amplification par résonance'' d'un rayonnement de lumière cohérente introduit dans une cavité laser se produit par interférence constructive, par établissement d'onde stationnaire, par augmentation de l'amplitude et donc de la puissance des ondes. Pour obtenir la mise en route de ce phénomène, la cavité doit avoir une dimension proportionnelle à la longueur d'onde de l'onde forcée qui y est introduite. La longueur de cette cavité doit être égale à la demi longueur d'onde (ou à un de ses multiples) des ondes introduites par la source.
La cavité laser est conçue autour d'un dispositif interne constitué de deux miroirs concaves dont l'un est un semi-miroir. Si ce mécanisme de réflexion constituant la cavité est correctement directif (minimum de pertes), et si la mise en phase des ondes est constructive, l'amplification par mise en résonance se réalise, et un puissant faisceau d'ondes monochromatique est émis par le laser à travers le semi-miroir. Le faisceau de lumière reste cohérent à l'entrée et à la sortie du laser. En physique ondulatoire, la cohérence est l'ensemble des propriétés que possède un système d'ondes lui permettant d'entrer en corrélation, c'est-à-dire de donner naissance à des interférences ou d'entrer en résonance. Pour cela, il est nécessaire que ces ondes possèdent la même fréquence, ou des fréquences proches (battements). Ce procédé semble donc incompatible avec l'amplification d'un ensemble d'ondes de différentes fréquences, c'est à dire de l'entrée dans la cavité laser d'un faisceau de lumière incohérente. Le chapitre suivant montre par qui et comment a été résolu le problème.
Depuis la réalisation par Charles Townes en 1954 du Maser qui amplifiait les micro-ondes, la diversité des besoins en opto-électronique a orienté les recherches sur l'emploi de plus grandes fréquences, sur l'obtention d'impulsion ultracourtes, c'est-à-dire sur l'obtention d'appareillage de plus grande puissance.
La puissance d'un faisceau d'ondes sorti du laser est proportionnelle à la quantité d'énergie transportée par l'onde par unité de surface et par unité de temps. Cela correspond à un débit d'énergie. La puissance utile du laser est proportionnelle au carré de l'amplitude que les ondes ont atteint dans la cavité laser et inversement proportionnelle au rayon du faisceau qu'il émet. Ce rayon est de l'ordre de dimension de la longueur d'onde.
Différents procédés ont été imaginés et perfectionnés pour répondre aux différents besoins et pour créer et utiliser des impulsions ultra courtes. Citons principalement :
* Le blocage de mode ou verrouillage de mode actif.
* Les diodes picoseconde à commutation de gain.
* La découpe d’impulsions picosecondes.
* Absorbants saturables. Laser à commutation Q.
6) L'AMPLIFICATION PAR DÉRIVE DE FRÉQUENCE
La course à la puissance des lasers a été gagnée grâce à la solution trouvée au problème précédemment exposé de l'amplification dans la cavité laser d'un faisceau de lumière formé d'impulsions ultracourtes. C'est en 1985 que le chercheur français Gérard Mourou et sa doctorante la Canadienne Donna Strickland ont mis au point une technique ''d'amplification par dérive de fréquence'' (CPA) utilisant judicieusement toutes les propriétés des ondes ainsi que l'ensemble des procédés dont nous venons de parler. Ils ont obtenus le prix Nobel de physique 2018 pour ce travail qui (33 ans plus tard) s'est révélé très important car il a permis d'ouvrir la porte d'accès à ce qui a été baptisé l'optique non linéaire, objet de cette rubrique.
Sans rentrer dans les détails de la technique de la (CPA) à cause de la complexité de sa mise en œuvre, je vais uniquement en décrire le principe. Pour cela, je cite ci-dessous des courts extraits d'articles tirés du remarquable site ''Reflets de la Physique n° 61'' de Mars 2019.
https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2019/01/refdp201961p13.pdf
Je vous recommande vivement de lire ce site en entier car il est récent, clair et accessible. Il expose non seulement le détail de la technique de l'amplification par dérive de fréquence (CPA), mais ses applications technologiques, industrielles et médicales. Il dévoile les possibilités de développement des ''ultra-hautes intensités'' qui vont permettre d'accéder à l'électrodynamique quantique non linéaire, à l'accélération d'électrons à des vitesses relativistes, aux ondes de plasma. Je pense que ce domaine d'étude va enfin révéler au monde scientifique la vraie nature de l'électron. En voici les auteurs:
Frédéric Druon Laboratoire Charles Fabry (CNRS/IOGS), 2 avenue Augustin Fresnel, 91127 Palaiseau Cedex frederic.druon@institutoptique.fr
Marc Sentis Laboratoire Lasers, plasmas et procédés photoniques (CNRS/Aix-Marseille Université), 163 Avenue de Luminy, 13009 Marseille marc.sentis@univ-amu.fr
François Salin Ilasis Laser, 2 allée du Doyen Georges Brus 33600 Pessac
Catherine Le Blanc Laboratoire pour l’Utilisation des Lasers Intenses (CEA/CNRS/Sorbonne Université/École polytechnique), École polytechnique, 91128 Palaiseau Cedex
catherine.leblanc@polytechnique.fr
Pascal Salières Laboratoire Interactions, Dynamiques et Lasers (CEA/CNRS/Université Paris-Saclay) CEA Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex pascal.salieres@cea.fr
Fabien Quéré et Philippe Zeitoun Laboratoire d’Optique Appliquée (CNRS/ENSTA-ParisTech/École polytechnique), 91762 Palaiseau Cedex philippe.zeitoun@ensta-paristech.fr
<< Les lasers de très haute intensité se composent de quatre grandes parties (fig. III.1) : une première partie « pilote » avec un oscillateur ultracourt et un étireur d’impulsion (voir l’article de F. Druon), une deuxième partie avec des amplificateurs de puissance de tailles croissantes pompés par des lasers de très fortes énergies ; la troisième partie est le compresseur d’impulsion comprenant des grands réseaux de diffraction installés sous vide, et la dernière est le transport sous vide du faisceau et sa focalisation.....Pour illustrer les défis rencontrés, nous évoquerons tout d’abord l’amplification avec le saphir dopé au titane (Ti:Al2O3 ou Ti:Saphir), milieu amplificateur qui a permis d’atteindre des records de puissance crête, puis la technologie liée à l’étirement et à la compression d’impulsions à très large spectre et à très haute énergie, et enfin la gestion de la focalisation du faisceau sur des tailles les plus petites possible. >> C. Le Blanc
<< Le principe de base de la technique du CPA consiste à transposer dans le domaine temporel ce qui est fait dans le domaine spatial pour gérer la dimension des faisceaux afin d’éviter les dommages dans les amplificateurs...L'idée consiste à étaler dans le temps les différentes longueurs d’onde d’une impulsion et à créer ainsi une dérive de fréquence en fonction du temps, tel le gazouillis des oiseaux (chirp en anglais) qui glisse des sons graves aux aigus. Pour cela, il suffit de faire parcourir à chaque composante spectrale de l’impulsion une longueur optique différente. Cela allonge de facto la durée de l’impulsion et réduit son intensité (fig. I.1). La technique du CPA intègre donc des éléments spectralement dispersifs afin d’imposer un délai différent, contrôlé pour chacune des longueurs d’onde. Elle va comporter trois étapes, consistant d’abord à étirer temporellement les impulsions, puis à les amplifier dans des matériaux laser sans risquer l’endommagement et, enfin, à les comprimer pour retrouver la durée initiale (idéalement) et une forte intensité. >> F. Druon
N'ayant pu copier les figures indiquées dans ces articles, voici une image analogue du site ''Light ZOOM Lumière'' :
Le résumé et le schéma précédents nous montre toute la difficulté rencontrée pour expliquer de façon simple la réalité du fonctionnement d'un processus complexe. Celui-ci peut se décrire comme, d'une part la ''manipulation'' d'ondes lumière réalisée en utilisant les lois et particularités de l'optique, d'autre part l'amplification de la puissance de ces ondes par leur passage au travers de matériaux choisis pour leurs propriétés optiques et électroniques. Cette amplification peut rester linéaire (l'énergie de sortie reste proportionnelle à celle de l'entrée) mais la puissance obtenue par les lasers actuels, femtosecondes et maintenant attosecondes met en évidence l'existence de phénomènes non linéaires dont l'étude expérimentale révolutionne la technique. La physique théorique actuelle toujours axée sur les particules (photons et ''mécanique'' quantique) interprète avec difficulté le processus. Le point de vue de la physique des ondes sera expliqué au chapitre suivant.
7) L'OPTIQUE NON LINÉAIRE
Il est nécessaire de replacer dans son contexte le sujet que nous traitons. Il est question d'interaction de la lumière avec des matériaux transparents, puis de l'augmentation de la puissance de ces rayonnements lumineux et de la possibilité d'utiliser l'énergie qu'ils développent pour effectuer des travaux spécifiques demandant une très grande concentration d'énergie. Cela est réalisable à condition, tout d'abord, d'utiliser à la base un matériau transparent dit ''non linéaire'' (cristal ou verre dopé par exemple) ayant des propriétés optiques et une disposition électronique adéquates. Ensuite la source lumineuse doit être à large spectre et constituée d'impulsions ultra courtes. L'amplification de l'ensemble des radiations dans la cavité d'un laser femtoseconde doit pouvoir se faire sans briser le matériel, avec le minimum de pertes par diffusion ou échauffement, et le plus faible degré de saturation. Le faisceau de lumière doit être focalisé en sortie. (Complexe à réaliser !)
Ce processus qui relève au premier chef de l'optique et des propriétés des ondes lumière, est qualifié de ''non linéaire'' car il engendre plusieurs phénomènes de ce type. En premier la mise en résonance des ondes dans la cavité d'amplification du laser crée une surpuissance qui fait apparaître des harmoniques de 2,3,...N..ème ordre, c'est-à-dire des ondes de fréquence 2,3...N. fois plus grandes. Le phénomène est identique à celui d'un instrument musical à vent dans lequel une poussée de souffle monte le son d'un ou de plusieurs octaves.
Les autres phénomènes non linéaires qui apparaissent concernent la réponse du matériau à cette surpuissance. Dans le cas de matériaux diélectriques non linéaires, les électrons de leurs atomes sont excités par ces ondes lumière de forte intensité dont la fréquence peut aller jusqu’à celle des rayons X, c'est-à-dire celle des électrons libres. Ces matériaux n'étant pas conducteurs ces électrons ne peuvent être mis en circulation, mais la déformation des ''nuages électroniques'' engendrée par ces harmoniques crée un champ électrique interne qui polarise le matériau. << L'optique non linéaire regroupe l'ensemble des phénomènes optiques présentant une réponse non linéaire par rapport à ce champ électrique, c'est-à-dire une réponse non proportionnelle à ce champ. >> Wikipédia
Avant d'examiner le cas de la réponse non linéaire au champ polarisant, il nous faut préciser la position de la physique des ondes concernant la polarisation de la lumière. Je constate que l'origine de ce phénomène est souvent attribuée au soi-disant ''champ électrique'' des ondes de type lumière. Or, pour nous, ces ondes ne sont ni électriques ni magnétiques et ne sont donc pas des ''ondes électromagnétiques''. Les électrons-positrons ''charges'' statiques ou électromagnétiques (en mouvement) sont les seules véritables ondes électromagnétiques. Le champ électrique polariseur est créé par le mouvement de ces charges à l’intérieur de leur atome, et ce mouvement est provoqué par l'action des ondes lumière sur le matériau. Ce phénomène existe que le matériau soit diélectrique ou magnétiquement ordonné (ferromagnétiques), sauf que le résultat est différent.
Les ondes de type lumière ne sont que des transporteuses d'énergie. Les propriétés de l'optique comme la diffusion, la réfraction, la diffraction, la dispersion, la réflexion, la polarisation, modifient la propagation de ces ondes lumière mais ne sont pas leurs attributs spécifiques. Ces propriétés dépendent des matériaux qui les guident ou les rencontrent. Par contre leurs interférences, leur mise en résonance, les valeurs de leur fréquence, de leur longueur d'onde, de leur vitesse, sont des attributs qui leurs sont propres et qui sont déterminants pour l'efficacité de ces ondes lumière.
On pourrait oser la comparaison du rôle de l'onde lumière avec celui de l'eau fournissant son énergie aux turbines productrice d'électricité. Mais la comparaison n'est pas parfaite car, si l'eau et l'électricité ne font pas ''bon ménage'', l'onde lumière, elle, est consubstantielle à la matière, suivant nos hypothèses de base. Pour nous, l'électron-positron, particule élémentaire, est une onde énergétique de type lumière matérialisée par une onde transversale magnétique qui la structure.
Nous avons appelé cette dernière onde magnétique transversale l'onde de structure de l'électron (c'est la même qui tourne, voir la rubrique N°1 du blog). Ces deux types d'ondes sont en rapport de fréquence. Cette relation s'exprime sous le nom de rapport gyromagnétique et elle est également en rapport avec le facteur de Landé.
Ainsi la mise en résonance d'ondes lumière avec les ondes énergétiques des électrons des atomes d'un matériau diélectrique (l'excitation des atomes) crée indirectement dans ces atomes un champ magnétique qui est à l'origine de la polarisation ou de la modification de la polarisation des ondes lumineuses réémises par le matériau. Ce phénomène d'interaction entre la lumière et la matière diélectrique est connu sous le nom d'effet photoréfractif, effets Pockels et Kerr en optique linéaire et effet Kerr magnéto-optique en non linéaire. Les applications de ce dernier sont très importantes dans les domaines des télécommunications optiques et du stockage de l'information, pour les têtes de lecture, les mémoires magnéto-optiques, les microscopes, etc.
<< La polarisation est une propriété s'appliquant aux ondes transversales qui spécifie l'orientation géométrique des oscillations... Dans une onde transversale, la direction de l'oscillation est perpendiculaire à la direction du mouvement de l'onde... En polarisation linéaire, les champs oscillent dans une seule direction. En polarisation circulaire ou elliptique les champs tournent à une vitesse constante dans un plan au fur et à mesure que l'onde se déplace. La rotation peut avoir deux directions possibles; si les champs tournent dans le sens droit par rapport à la direction du déplacement des ondes, on parle de polarisation circulaire droite, tandis que si les champs tournent dans le sens de la main gauche, cela s'appelle la polarisation circulaire gauche. >> Wikipédia
Les caractéristiques de la trajectoire de l'onde lumière polarisée circulairement, après son contact avec la matière, peuvent être considérées comme celles de pseudo-particules car elles ressemblent à celles des électrons ou des positrons (suivant le sens de la rotation). C'est probablement, avec la vitesse identique, ce qui a contribué à la confusion de la dualité ''onde-corpuscule'' que la physique des particules refuse toujours d’éclaircir.
Aux échelles micro et macroscopiques normales, les conditions énergétiques des relations habituelles permettant la vie des espèces ont rendu possible l'établissement de règles et de lois scientifiques qui, sans être parfaitement linéaires, demeurent généralement bien vérifiées. Ce n'est pas le cas aux grandes puissances, dans les étoiles par exemple et au niveau de l'énergie existant dans le noyau des atomes. Ce fait est maintenant une évidence car la découverte de l'énergie atomique, la révolution numérique, celle de l'espace et, dans le domaine de l'optique, la puissance fournie par les nouveaux lasers, ont ouvert aux scientifiques et aux techniciens d'immenses perspectives et directions de recherches ainsi que l'obligation de sortir des règles du linéaire.
C'est donc à partir des années 1980 que la technologie du laser femtoseconde et la possibilité d'obtenir des ondes lumière de forte intensité ont permis de réaliser les expériences d'optique non linéaire. La puissance des ondes lumière que nous pouvons maintenant utiliser nous permet de ''bousculer'' la structure même des électrons qui restent prisonniers dans les atomes des matériaux diélectriques. Le mouvement de ces charges crée un important champ magnétique polarisant, à l'origine des phénomènes non linéaires capables de modifier la fréquence des ondes et de faire interagir entre elles deux ondes par l'intermédiaire du matériau.
Si la création des harmoniques par le laser femtoseconde ne semble pas mériter l'appellation de ''non linéaire'' car cela reste proportionnel, par contre, sont parfaitement non linéaire tous les phénomènes optiques qui en résultent et en particulier ces impulsions lumière de haute énergie polarisés circulairement, sorties des lasers femtoseconde dans des fibres optiques de manière analogue à celle d'électrons dans un conducteur. Ce sont des solitons optiques.
8) LES SOLITONS OPTIQUES
81) La formation des solitons
<< La première observation physique du phénomène soliton date de 1838. Un gentleman écossais, John Scott Russel, se promenant à cheval le long d'un canal, a observé lors de l'arrêt brusque d'une péniche qu'une grande vague solitaire continuait de se propager sans déformation apparente de sa forme ni variation de vitesse. Il a pu la suivre pendant plus d'un kilomètre. Il fit un rapport de son observation en 1844.... Il fallut plus de cinquante ans pour poser mathématiquement le problème. C'est l'œuvre de deux mathématiciens, D.J.Korteweg et G. de Vries. L'équation obtenue porte leurs initiales : KdV. Cette équation fait partie d'une famille plus large d'équations non linéaires aux dérivées partielles qui possèdent comme solutions particulières des solitons >> Extrait du site :
https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/1995/04/refdp_bsfp-101.pdf
En hydrodynamique, cette grande vague solitaire a été dénommée ''mascaret'' et le phénomène soliton non expliqué a été rattachée au domaine de la physique non linéaire.
Le mascaret est un phénomène naturel très spectaculaire qui se produit lors de grandes marées dans l'embouchure et le cours inférieur de fleuves comme l'Amazone au Brésil, la Garonne ou la Dordogne en France. Le mascaret est une vague puissante, déferlante ou non, suivie de plus petites. Cette vague remonte le cours d'eau sans déformation, sa hauteur est fonction de celle de la marée et du débit du fleuve. Elle s'adapte à la structure de son lit à sa profondeur et à sa largeur en modifiant sa vitesse. Une autre caractéristique du mascaret est que les vagues de forte amplitude se propagent plus vite que celles d'amplitude moindre. Le dépassement se fait sans fusion des vagues.
On retrouve la marque spécifique des solitons dans la formation d'autres événements naturels comme les tsunamis ou les vagues scélérates. On trouvera notre explication de ces derniers phénomènes au chapitre N°4 ''La résonance des ondes sismiques'' de la rubrique N°8 du blog ''La résonance en cavité''. Vous trouverez une excellente étude descriptive des solitons réalisée par un groupe d'élèves de l’École Centrale de Lyon sur le site : http://pe.soliton.free.fr/
En optique ondulatoire, le phénomène soliton se révèle également à la sortie de lasers femtoseconde, lorsque des impulsions de lumière ultra courtes et de haute intensité sont conduites dans une fibre optique. La lumière est polychromatique mais la propagation de l'impulsion se fait sans déformation, sans dispersion et sans absorption dans le milieu traversé. Cela correspond aux caractéristiques de la propagation des solitons dont la mise en équation peut être comparée à celle de particules ou paquets d'ondes (Équation de Schrödinger non linéaire).
Pour l'expliquer les physiciens utilisent des concepts et effets relatifs aux ondes et à leurs relation avec la matière. En physique ondulatoire le soliton optique naît d'un équilibre entre deux effets qui se compensent. Ces effets sont essentiellement l'automodulation de phase et la dispersion anormale.
*L'automodulation de phase est un effet optique non-linéaire d'interaction lumière-matière. Une impulsion ultra-courte de haute intensité qui voyage dans un milieu matériel induit, par effet Kerr optique, un retard de phase qui décale le front de cette impulsion vers les plus basses fréquences et la traîne de l'impulsion vers les hautes fréquences. (C'est conforme aux lois de propagation de la lumière dans la matière transparente, mais dans ce cas il s'agit bien d'impulsions ultra-courtes et non d'une propagation continue).
*La dispersion anormale (lorsqu'il y a absorption par la fibre optique) décale les hautes fréquences vers le front de l'impulsion, les basses fréquences se retrouvent à la traîne. Le rouge se propage ici moins vite que le bleu, contrairement à la dispersion normale, on parle alors de dispersion négative.
Il y a donc équilibre entre l'automodulation de phase qui, agissant sur le spectre de l'impulsion, tend à rendre le front de l'impulsion plus rouge et la traîne plus bleue, et la dispersion anormale qui agissant, sur le profil temporel de l'impulsion, tend à rendre le front plus bleu et la traîne plus rouge.
<< L'effet est celui d'une lentille convergente temporelle qui comprime l'impulsion. Une interprétation mécanique de cet effet non linéaire est la création d'un puits de potentiel qui capture l'onde et se propage avec l'impulsion. Si l'intensité de l'impulsion (ainsi que sa forme) est ajustée de manière à compenser exactement l'élargissement linéaire de l'impulsion, la forme de l'impulsion ne varie pas au cours de la propagation. Nous avons alors un comportement soliton. Pour une fibre et une longueur d'onde données, la puissance nécessaire est inversement proportionnelle au carré de la largeur temporelle du soliton. >>
Extrait du Bulletin de la société française de physique N°(101 ) octobre 95
''Les solitons dans les fibres optiques'' par Thierry Georges
https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/1995/04/refdp_bsfp-101.pdf
En optique quantique ondulatoire
Reconsidérons les phénomènes d'électromagnétisme exposés au chapitre N°7 qui concernent les diélectriques dopant les matériaux transparents des lasers et des fibres optiques. Réexaminons le rôle joué par les électrons des nanoparticules du diélectrique réagissant à des impulsions ultra courtes. Ces impulsions sont puissantes après leur amplification dans le laser. La création des harmoniques fait que ces impulsions possèdent un spectre de rayonnements étalé en direction des hautes fréquences, pouvant aller jusqu'aux rayons X. L'action de ces impulsions sur les atomes des nanoparticules crée une forte excitation de leurs électrons intra-atomiques.
Nous avons vu que la déformation du nuage électronique des atomes d'un diélectrique crée un champ magnétique interne aux atomes du matériau (appelé ''champ de charge d'espace''). Chaque impulsion lumineuse ultra-courte issue d'un laser femtoseconde est alors polarisée circulairement par ce champ magnétique. Il se produit aussi une auto-focalisation du rayonnement lumière à la sortie du laser femtoseconde et l'ensemble de ces deux phénomènes est encore dû à un effet Kerr, dit ''effet Kerr magnéto-optique'' ou effet photoréfractif.
Cet effet magnéto-optique non linéaire correspond, comme indiqué, à la polarisation d'une onde lumière lorsque celle-ci entre en contact avec un matériau plongé dans un champ magnétique statique. Cet effet résulte d'une mise en résonance de type ferromagnétique adaptée au cas d'un diélectrique dont les électrons ne peuvent s'échapper de leur atome. Ce ne sont donc pas des électrons qui sortent dans un conducteur, mais des ondes lumière polarisées circulairement, c'est-à-dire des solitons (des ''balles de lumière''), qui se propagent dans la fibre optique.
82) L'utilisation des solitons
Nous avons abordé le phénomène d'apparition des solitons à partir de trois domaines différents de la physique, l'hydraulique, l'optique et la mécanique quantique. Dans les trois cas nous avons parlé d'interférence d'ondes se produisant dans un contexte de forte énergie dépassant la norme habituelle.
Dans ces conditions (non linéarité) les théories classiques ne fournissent plus de résultats correspondants à la réalité, ou suffisamment près de la réalité, pour qu'elles soient utilisables. Il convient alors de retrouver les bases expérimentales de la physique, par exemple les travaux du physicien écossais John Kerr (1824 - 1907) qui a travaillé en son temps sur l'électro-optique. Nous avons vu que ''l'effet Kerr'' est utile pour expliquer les phénomènes magnéto-optiques de la physique dite ''non linéaire''.
On peut être étonné par le décalage de presque un siècle entre les études magnéto-optiques de Kerr et le début de leurs applications pratiques qui date de la dernière décennie du 20ème siècle. Il faut bien comprendre que la physique théorique, orientée sur les particules et peu sur les applications de l'optique utilisant la lumière, n'a vraiment exploré ce domaine que suite à l'invention et au développement technologique des lasers. D'autre part la course à la rapidité et au débit des transmissions d'informations, ainsi que la découverte de l’intérêt de les réaliser par voie optique, a boosté la recherche dans ces domaines.
C'est encore le besoin d'augmenter le débit et la sécurité des informations qui a poussé les chercheurs à utiliser les solitons optiques dans les transmissions à très longue distance. En effet les essais entrepris en laboratoire sur des circulations en boucle ont montré que les solitons d'origine non linéaire pouvaient se propager sans déformation sur des distances pratiquement infinies.
Mais les espoirs ont été déçus car la mise en œuvre de cette technique a montré que les solitons, pseudo-particules, ont des comportements souvent incompatibles avec un transport d'informations. Ils interfèrent entre eux, brouillent les messages et font un bruit (danse de la gigue) inconciliable avec une bonne transmission des signaux. L'amélioration des techniques optiques plus traditionnelles a donc été préférée pour les transmissions par fibre optique .
J'ai trouvé sur internet plusieurs études et thèses que j'ai estimé remarquables et instructives, elles concernent aussi bien l'existence du soliton que ses propriétés, ses domaines d'utilisations et son avenir. Ce sont des travaux scientifiques qui montrent la complexité des sujets traités. Craignant de plagier et d'édulcorer les textes, je me contente de vous indiquer les références de ces études.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00137257/document
THESE de Virginie CODA (2006) : Solitons optiques spatiaux Kerr et photoréfractifs.
Propriétés fondamentales et application à l’adressage
http://moad.univ-lyon1.fr/sessions/Albi2007/solitons-extrait.pdf
Extraits du LIVRE de Michel PEYRARD et Thierry DAUXOIS (2007) : Physique des Solitons
La seule lecture de l'introduction révèle que la physique des solitons possède des liens avec des domaines aussi variés que l'hydrodynamique, la thermodynamique, la physique des solides, la physique des molécules biologiques, la méthodologie mathématique, la physique des plasmas, et même la sociologie et l'écologie.
https://en.wikipedia.org/wiki/Vector_soliton
Wikipedia (2020) : Vector soliton (demander la traduction)
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00965596/document
THESE de Vianney CAULLET (2013) : Dynamique des patterns optiques dans un système photoréfractif
Cette dernière thèse m'a particulièrement intéressé car elle rassemble, dans un cadre expérimental (banc d'essai optique), et dans le domaine d'interaction entre le rayonnement et la matière, les éléments constitutifs de notre présente rubrique ( milieu photoréfractif et non linéarité). Cette thèse ajoute aux phénomènes optiques énergétiques une dimension structurelle (patterns optiques, vortex optiques, solitons optiques) qui est conforme à notre vision ondulatoire de la matière (électron-positron). Pour comprendre ce qu'est un pattern (structure auto-organisée), je vous propose de relire le post-scriptum N°2 de notre blog ''Les structures dissipatives et l'énergie'' ainsi que le chapitre N°3 de notre rubrique N°1 ''Les ondes de structure de la matière''.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00671172/document
THESE de Aladji Kamagaté (2010) : Propagation des solitons spatio-temporels dans les milieux dissipatifs
Dans cette thèse, A.Kamagaté étudie les différent types de solitons optiques, leurs propriété et leurs effets. Il distingue donc les conditions d'apparition des solitons temporels, spatiaux, spatiaux-temporels et dissipatifs. Il compare différentes méthodes d'étude des phénomènes correspondants. Il établit les équations qui s'appliquent dans chacun des cas et, en particulier, celle qui concerne le soliton dissipatif ''la balle de lumière'', pseudo-particule qui s'apparente à notre électron.
Ces travaux sont résumés dans une publication faite en 2008 par Al. Kamagaté, Ph. Grelu & P.T. Dinda, à l'occasion de la ''rencontre du non-linéaire''. Son titre est : ''Solitons dissipatifs de l’équation de Ginzburg-Landau Complexe à (3+1)D : balles de lumière et pulsations''.
http://nonlineaire.univ-lille1.fr/SNL/media/2008/CR/Kamagate.pdf
En voici deux passages : << Les études menées jusqu’à présent emploient principalement des simulations numériques qui prennent un temps de calcul considérable. Ce travail intensif peut être nettement allégé avec la méthode des cordonnées collectives. Cette méthode consiste à réduire le problème de l’évolution du champ impulsionnel à un simple problème de dynamique d’un système mécanique, gouverné par un nombre restreint de degrés de liberté. Ceux-ci sont associés aux paramètres fondamentaux de l’impulsion. >>
<< L’étude des solitons à trois dimensions en est à ses balbutiements. Dans la présente étude nous nous focalisons sur ce type de solitons, afin d’obtenir ses conditions d’existence et ses propriétés. Nous montrons qu’une approche de coordonnées collectives, construite sur des fonctions d’essai convenablement choisies, permet de cerner rapidement les domaines d’existence des solitons stationnaires et ceux des solitons à respiration. >>
Pierre **** avec lequel j'échange des idées, trouvera peut-être dans cette étude l'équation qu'il recherche et qui a fait l'objet l'année dernière de notre correspondance d'un mois. Le suivi de notre relation a été rassemblée et édité sur le blog, c'est le sujet de la rubrique N°27.
L'équation suivante est extraite de la publication de Al.Kamagaté. C'est à l'origine l’équation de Ginzburg-Landau Complexe (CGLE) à (3+1) dimensions. Elle rend compte de la dynamique spatio-temporelle des structures localisées en régime dissipatif non-linéaire. Al.Kamagaté l'a adapté pour l'appliquer au soliton dissipatif ''balle de lumière'' sujet principal de sa thèse, sujet qu'il traite par la méthode dite ''des coordonnées collectives''. Cette équation pourrait-elle résoudre le problème posé par Pierre ? La voici :
ψz −i/2.Dψtt −i/2.ψxx −i/2.ψyy − iγ |ψ|²ψ − iν |ψ|²|ψ|²ψ = δψ + βψtt + ǫ |ψ|²ψ + µ |ψ|² |ψ|²ψ
ψ = ψ(x, y, t, z) représente l’enveloppe normalisée du champ électrique,
t est la coordonnée de temps,
x, y, sont les coordonnées transversales d’espace,
z est la distance de propagation,
Le membre de gauche de cette équation représente les termes conservatifs,
D représente le coefficient de dispersion de la vitesse de groupe,
γ le coefficient de non-linéarité Kerr,
ν représente le terme de saturation de la non-linéarité,
Le membre de droite inclut les termes dissipatifs : δ, ǫ, β, et µ qui sont respectivement les coefficients de perte linéaire (si négatif), de gain non-linéaire (si positif), de filtre spectral et de saturation de gain non-linéaire (si négatif).
9) EN CONCLUSION DE NOTRE ETUDE DES SOLITONS
C'est bien l'idée de Pierre et la teneur de notre correspondance qui m'a conduit à l'étude de la non linéarité et des solitons. Je suis ainsi rentré dans un puits dont je ne vois pas le fonds. J'ai en outre conscience de n'avoir effectué qu'un difficile survol de ce domaine complexe. Mais je suis peut-être parvenu, en découvrant la thèse de A.Kamagaté, à fournir à Pierre les éléments dont il aurait besoin pour réaliser son challenge. En effet, le travail que A.Kamagaté à réalisé en méthodologie lui a permis d'établir, à partir de celle de Ginzburg-Landau, cette équation complexe qu'il me paraît avoir réussi à maîtriser.
Avec ou sans mon aide, je suis persuadé que la perspicacité de Pierre, sa connaissance de la simulation des processus physique, de l'établissement des logiciels et de la programmation va lui permettre, quand ses activités habituelles lui en laisseront le temps, de parvenir à ce qu'il recherchait, à savoir, animer graphiquement la trajectoire des particules, et donc des électrons-positrons, particules élémentaires dont le comportement et la structure sont, pour la physique des ondes, à l'image de ceux des solitons dispersifs, boules de lumière, ou plus exactement vortex optiques.